Agriculture biosaline et enjeux climatiques

Les sols côtiers salins, longtemps considérés comme improductifs, deviennent aujourd’hui un enjeu stratégique dans les territoires confrontés à la pénurie croissante d’eau douce. En Nouvelle-Calédonie, la baisse des précipitations, conjuguée à une évaporation accrue due au réchauffement climatique, entraîne une salinisation progressive des terres agricoles. Selon l’Observatoire du Climat Pacifique Sud (2022), la région pourrait voir ses ressources en eau douce diminuer de 20 % d’ici 2050, exacerbant les tensions autour de la production alimentaire.

C’est dans ce contexte que Halophyte Solutions propose une approche régénérative et innovante : cultiver des légumes adaptés à l’eau de mer. Poussant sur des tannes, ces sols salés naturellement présents le long du littoral, Les halophytes sont naturellement adaptées à ces milieux extrêmes. Elles permettent ainsi de produire des cultures comestibles sans irrigation douce, tout en réduisant la pression sur les ressources hydriques.

Qu’est-ce que l’agriculture biosaline ?

L’agriculture biosaline est une méthode de production agricole qui utilise de l’eau salée ou des sols salins pour cultiver des plantes tolérantes au sel (les halophytes). Contrairement à l’agriculture conventionnelle, elle permet une économie d’eau considérable tout en apportant une ressource alimentaire intéressante. 

Elle s’inscrit dans une logique de durabilité, notamment dans les régions arides, semi-arides ou insulaires où les sols dégradés sont nombreux. Outre ses faibles besoins en eau douce, l’agriculture biosaline présente plusieurs avantages car les halophytes sont largement étudiées depuis plusieurs décennies et leur potentiel dans plusieurs domaines a été identifé : 

• Stabilisation des sols et lutte contre l’érosion côtière,
• Dépollution naturelle des zones contaminées ou des effluents aquacoles,
• Création de filières alimentaires locales adaptées aux contraintes climatiques.

Des études récentes confirment le rôle écologique positif des halophytes dans la filtration des sels, la réduction des contaminants, et le stockage du carbone en milieu littoral (Zerai et al., 2021 ; Rozema et al., 2006).

Des projets pionniers dans le monde

L’agriculture biosaline n’est pas qu’un concept émergent : elle est déjà testée à grande échelle dans plusieurs pays :

• Au Qatar, le centre ICBA (International Center for Biosaline Agriculture) développe depuis 1999 des techniques de culture halophyte utilisant de l’eau saumâtre ou recyclée.
• Aux Pays-Bas, le projet SalFar (Saline Farming), soutenu par l’Union européenne, expérimente des cultures biosalines en zone côtière face à la montée du niveau de la mer.
• En Australie, la société Aqua Botanical valorise des plantes halophiles pour la production de nutraceutiques.
• En Érythrée, des fermes côtières utilisent l’eau de mer pour irriguer des salicornes et produire de la biomasse ou des fourrages.

Ces projets démontrent qu’une agriculture résiliente au changement climatique est possible, à condition d’explorer de nouvelles logiques agroécologiques, adaptées aux contraintes des territoires.

Et en Nouvelle-Calédonie ?

Avec près de 9 200 hectares de tannes (Lebigre, 1983) et une quarantaine d’espèces halophytes recensées sur le littoral, la Nouvelle-Calédonie possède un fort potentiel pour développer ce modèle agricole alternatif. Plusieurs programmes de recherche (IFREMER, ISEA-UNC) ont déjà confirmé l’intérêt écologique et alimentaire de certaines espèces locales.

Halophyte Solutions s’appuie sur ces travaux pour proposer un modèle calédonien d’agriculture biosaline, combinant production vivrière, dépollution douce et résilience climatique. L’objectif est clair : transformer des zones délaissées en terres nourricières durables, ancrées dans l’économie locale.

 Sources

• Observatoire du Climat Pacifique Sud, 2022. Rapport sur l’eau et l’agriculture en Nouvelle-Calédonie.
• Zerai D. et al., 2021. Role of halophytes in soil remediation and sustainable agriculture. Journal of Environmental Management.
• Rozema J., Schat H., 2006. Salt tolerance of halophytes, research questions reviewed in the perspective of saline agriculture. Environmental and Experimental Botany.
• ICBA, 2023. Biosaline Agriculture Programmes in Arid Countries.
• SalFar Project, Interreg North Sea Region, 2021.

Lebigre J.-M., 1983. Les tannes, approche géographique, Madagascar Revue de Géographie, n° 43, pp. 41–63.